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Duca, la fin…

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Dernier volet de la série que l’écrivain italien Giorgio Scerbanenco a consacrée à Duca Lamberti, un médecin radié de l’Ordre et qui est devenu enquêteur pour la police de Milan, Les Milanais tuent le samedi concentre toutes les qualités génériques et la force de construction romanesque que l’on avait déjà constatées.

Amanzio Berzaghi, un veuf d’une soixantaine d’années, est au désespoir. Voilà plusieurs mois qu’il a signalé la disparition mystérieuse de Donatella, sa fille de 28 ans, et personne à la police milanaise ne lui répond de manière convaincante. Duca, qui le rencontre pour la première fois, signale au père désespéré qu’à cet âge-là, on peut estimer que la demoiselle a tout simplement décidé de prendre son envol et qu’il s’agit certainement d’une fugue à caractère amoureux. Berzaghi précise alors à l’enquêteur que Donatella est une enfant dans un corps de femme. Elle est mentalement fortement handicapée et jamais, d’après lui, elle n’aurait quitté le nid familial tant celui-ci constituait l’unique univers au sein duquel elle pouvait évoluer à sa guise. Lamberti fait alors parler cet homme, avec patience, tact et perspicacité. Et il obtient une information qui pourra se révéler être, sinon une piste, du moins un élément sérieux à prendre en compte: Donatella regardait avec insistance les hommes les rares fois où elle s’aventurait – toujours accompagnée – à l’extérieur de l’appartement paternel; lieu que l’on perçoit alors comme une prison dorée malheureusement, aux yeux du père en tout cas, nécessaire à la protection de cette « femme-enfant ».

Convaincu que Donatella a été victime d’individus qui font du sexe tarifé un commerce très lucratif, Duca va sonder les bas-fonds d’un milieu sordide et libidineux avec d’autant plus de pugnacité que le corps calciné de la jeune femme va être rapidement retrouvé…

 

Avec ce dernier tome qui ne devait pas être le dernier à l’origine mais que la vie -ou plutôt la mort qui a saisi Scerbanenco- a inscrit comme tel, l’auteur ne nous épargne rien…

Loin de tout pathos dégoulinant de larmes, il nous entraîne dans un univers où les femmes ne constituent que des objets, où les dérives et autres perversions sexuelles sont assouvies, à condition que l’on possède de quoi se les payer, où les lupanars sont tolérés car, finalement, ils sont un pan d’une économie, parallèle certes, mais terriblement juteux.

Avec ce roman qui fait suite à trois autres volumes qui ne respiraient pourtant pas l’optimisme tant on avait cherché, un peu en vain, une once d’espoir dans leurs pages, l’Italien va à l’essentiel de l’abjection. Maquereaux, femmes ou hommes prêts à tout pour en croquer, ignobles au point de balancer complices ou connaissances si cela peut soulager une part de leur conscience qu’ils n’ont, en outre, jamais mauvaise, trop obnubilés qu’ils sont par la satisfaction immédiate de leurs bas instincts, petites frappes se rêvant caïd, prostituées au bord d’un suicide qui constitue la solution ultime pour sortir de l’impasse qu’est devenue leur vie brisée, peuplent ce roman désespéré.

A côté, il reste un père, déjà peu épargné par la vie, usé, malheureux par la perte du dernier être qui comptait pour lui – et réciproquement. Un père qui va trouver des dernières forces, des ultimes ressources pour comprendre, pour savoir. Les chapitres de fin, cauchemardesques, lui apporteront de bien inutiles réponses. Et d’autres problèmes. Evidemment

Mais, car il faut aussi le souligner, Scerbanenco, malgré toute la rage sourde qui l’étreint, ouvre quelques portes plus claires. A commencer par celle qui permet à Duca, via Livia, d’entrevoir des jours meilleurs que l’on ne peut qu’imaginer puisque les ultimes pages le seront vraiment. Définitivement…

Doit-on encore, une nouvelle fois, tenter de convaincre qu’il faut lire Scerbanenco? Assurément car en faire l’économie, c’est se priver d’un chaînon essentiel de la littérature noire. Tout simplement.

 

Les Milanais tuent le samedi (I Milanesi ammazzano al sabato, 1969) de Giorgio Scerbanenco (trad. Laurent Lombard), Rivages Noir (2011), 205 pages



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